mardi 2 septembre 2014

18 RUE DU PARC - (EXTRAIT)

18 RUE DU PARC (chapitre 1 extrait)

Le Hameau du Parc
Vendredi 14 heures


Cortège de poids lourds.
Fracas de tôles.
Un camion rempli de gravats déboule rue du Parc. Un autre, lancé à toute allure, ébranle les pavés disjoints.

Ici, la poussière tient lieu d’oxygène. Chargés de l'abattre au sol, les brumisateurs de chantier sont aussi efficients qu’une bruine d’automne sur une forêt en flammes.

Une salve d’éternuements secoue l’homme immobilisé au bord de la chaussée. Ses bronches, encrassées, se crispent. À peine le temps d’aspirer une goulée de Ventoline, qu’un monstre de métal jaune, trimbalant une pelle gigantesque en équilibre précaire, manque le renverser. L’homme bondit. Son pied bute contre le trottoir. Ses mains râpent le bitume gravillonné.

Chauffard ! grogne-t-il, en se relevant.
Un champ de bataille s'ouvre autour de lui.

En quelques mois, le quartier, en lisière du parc des Châtaigniers, s’est transformé en terrain de jeux de massacre. Rivés aux commandes de machines géantes ‒ tractopelles, pinces à béton, brise-roches, grappins de démolition ‒ des homoncules, coiffés de casques fluorescents, fracassent, d’une simple pression des doigts, les maisons pétries d’histoire que l’on ne remarquait plus tant elles faisaient partie du paysage. 

Dès que l’une s’écroule, les camions, charognards aux ventres de métal, avalent les décombres fumants dans leurs bennes brinquebalantes et les charrient à grand vacarme de grondements de moteurs et de crissements de pneus vers des cimetières de pierres agonisantes.

Les paumes des mains éraflées, l’homme remonte ses lunettes, époussète son costume gris de belle facture, ramasse son attaché-case et son aérosol.
N’en déplaise au Dr Noiraud ‒ « le Salbutamol est un produit dopant, n’en abusez pas ! » ‒ une inhalation supplémentaire s'impose dans cet environnement pollué à l'extrême. 

D’ordinaire, Simon Léchiquier attend le dimanche pour s’aventurer de ce côté du Parc, seul jour où les engins de démolition somnolent sous la garde de vigiles et de leurs chiens.
Pouvait-il ignorer la voix suppliante de sa mère ?
...
18 rue du Parc est publié par Il est des Jours... artisan-éditeur
http://ilestdesjours.free.fr
 

4 commentaires:

zoé a dit…

Super lecture, personnages attachants, histoire chorale de personnes très différentes et pourtant toutes réunies autour d'un projet. Je me suis régalée et vais partager ce bonheur ! Bravo!

annette a dit…

Excellent. Plume fluide. Humour vérités j'ai vraiment aimé et je le conseille.

Nicole a dit…

Mais où vas-tu chercher tes personnages ? Dans tous les cas, tu les as trouvés et ils sont, tous, hors normes.
S’il est vrai que nous connaissons tous des personnes sur lesquelles la fatalité s’acharne, ce sont des cas isolés. Tu as ce talent de les réunir, de nous amuser malgré leurs épreuves, de nous faire découvrir au fil des pages leur tragique parcours, dans cet immeuble destiné à la destruction, comme l’a été leur vie.
Ces murs symboliques, ces locataires disparates, représentent ce qui peut arriver de pire à toutes et tous ; la douleur, l’absence, le deuil, la solitude, la fatalité, l’espoir, et cette éternelle question : Pourquoi moi, pourquoi lui, pourquoi elle…, ?
Ton expérience professionnelle ne t’a pas immunisé contre les multiples maux des humains, tes mots sont beaux à lire et je les ai beaucoup aimés.
j’ai vraiment aimé tes personnages, ces destins confrontés à la perte et ses conséquences, comme tu le dis si bien, je m’y suis un peu retrouvée.

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS a dit…

Belle écriture.