vendredi 28 novembre 2014

LA DEMANDE D'ADAM



Je suis Adam. Fils de Dieu. Le seul à mériter ce titre, même si d’autres plus tard essaieront de me le ravir.
Dans la langue primordiale, Adam signifie : terre, homme, œuf, rouge et sang.
Je suis votre père à tous. Et aussi celui de mon épouse Eve que Dieu extirpa de mon flanc, pendant mon sommeil, sans me demander mon autorisation. Privilège divin, certes, mais manque absolu de civilité.

Beaucoup m’envient d’avoir été le premier en toutes choses. Premier homme à contempler le ciel, la terre, la mer, le soleil, la lune, les étoiles. Premier à découvrir les animaux et les nommer : appeler un chat un chat en a fait gloser plus d’un. En revanche, moustique pique bien là où il faut.
Premier aussi à avoir connu une femme. Et du coup premier à transgresser l’interdit et premier à être puni. Mais ça en valait la peine.

Et aussi, premier à être père. Voilà où je voulais en venir.

Avec Eve, nous avons fait des galipettes, en toute innocence. Un serpent de passage a bien tenté de nous enseigner quelques figures, mais une fois jetés dans le monde par un dieu excédé il a fallu tout inventer.
Notre première surprise fut la transformation du ventre d’Eve. Un trop plein de pommes avons-nous pensé, d’abord.
Au bout de neuf mois, surprise ! Un humain miniature nous était livré sans le mode d’emploi. Plus tard, après avoir lu Freud, Dolto, Klein, j’ai compris que s’il avait bénéficié d’une bonne éducation, Caïn n’aurait pas tué Abel. Mais nous ignorions tous ce qu’était la mort, ni même que celle-ci existait.

D’où ma question : Comment élever un enfant sans avoir été, soi-même, un enfant ?
Je suis né par la grâce de Dieu, pétri de sa boue divine, vivifié par son souffle. Certains exégètes ont estimé, après de savants calculs, que je devais être âgé d’une quarantaine d’années à ma naissance.
Vous rendez-vous compte de tout ce qui a manqué à ma vie, pour en être vraiment une ?

Vous, vous avez été conçu par un homme et une femme. Moi pas.
Vous avez vécu dans le ventre de votre mère. Moi pas.
Vous avez entendu son cœur battre, ses intestins gargouiller. Moi pas
Vous avez senti les saillies de votre père et la confusion de votre mère. Moi pas.
Au bout de plusieurs mois, vous vous êtes engagé dans un tunnel interminable. Moi pas.
Et puis, vous avez jailli dans la lumière du jour. Moi pas.

J’avais déjà quarante ans à ma naissance. Et ce n’est pas tout.

Vous avez tété les seins de votre mère. Moi pas.
Vous vous êtes gorgé de son lait chaud et sucré. Moi pas.
Vous avez été bercé dans ses bras. Moi pas.
Vous vous êtes endormi au son de sa voix. Moi pas.
J’avais quarante ans à ma naissance et personne ne m’a jamais pris dans ses bras, personne ne m’a chanté de berceuses.

VOUS TROUVEZ ҪA JUSTE ?

Je n’ai eu besoin ni d’apprendre à marcher, ni à parler, ni à faire pipi et caca dans le pot, ni à faire des lignes d’écriture, ni à chercher à comprendre pourquoi wazo s’écrit oiseau, ni pourquoi les trois mousquetaires sont au nombre de quatre, ni pourquoi la fin du monde se résume à un chagrin d’amour !
Dieu dans sa toute puissance, ne m’a autorisé ni le plaisir de l’apprentissage ni celui de l’acquisition de la connaissance.
J’avais quarante ans à ma naissance et je savais déjà tout.
Y a-t-il plus grande injustice que de refuser à quiconque le droit d’apprendre ?

Alors, j’ose te le dire, Dieu tout puissant, maître de l’univers et du reste, je proteste avec toute l’énergie dont je suis capable contre la manière dont tu t’es servi de moi, et je t’adresse une requête que tu ne peux refuser, compte-tenu de ce dont tu m’as privé.

Ma demande est simple. Pour toi, cela équivaudra à un claquement de doigt. D’autant que tu l’as déjà fait. Souviens-toi du déluge. Tu n’étais pas content des hommes. Hop, une petite pluie bien lourde, un vent mauvais, une mer démontée, et la création rasée de la surface de la terre. La survie de Noé et de ses bestiaux, c’était juste un coup de pub pour que l’on continue à parler de toi.

Ce que je te demande, aujourd’hui, c’est un vrai déluge. Sans survivants !
Et tu recommenceras tout. Tu créeras un autre premier homme, à qui tu ne demanderas rien d’autre que de croire en toi. Tu lui offriras une Eve, plus obéissante que la première et tu feras de moi le premier enfant né d’un père et d’une mère.
Tu me dois bien ça, non ?

Petite recommandation. Le premier homme, ne l’appelle pas Adam. Regarde où en sont les humains, affairés à faire couler le sang contenu dans son nom. Avec ton pouvoir infini, tu trouveras bien un joli petit nom, porteur de paix.

Il te faudra juste un peu d’imagination.

mardi 25 novembre 2014

RENCONTRE DEDICACE

dimanche 30 novembre 
je dédicacerai mes livres
au Salon du livre WIZO - Maison du bâtiment 
344 bd Michelet - 13009 MARSEILLE

                              
 

mercredi 12 novembre 2014

Spécial Enfant : La Toupie



D’une ficelle blanche il habille
Le ventre rouge de la toupie

Un geste vif
Et la toupie tournoie sur le sol carrelé

Le petit garçon s’accroupit

Une danseuse à la robe rouge
Tourbillonne sur la paume de sa main

jeudi 30 octobre 2014

Chronique Littéraire de 18 RUE DU PARC par Annie Forest-Abou Mansour, l'Ecritoire des muses, http://lecritoiredesmuses.hautetfort.com/



18 Rue du Parc
Jacques Koskas 
Il est des jours éditions (2O14)
Par Annie Forest-Abou Mansour dans  L'ECRITOIRE DES MUSES, magazine littéraire en ligne

    Dans 18 Rue du Parc, Jacques Koskas, évoque un ancien immeuble voué à la démolition, le dernier du lieu–dit le Hameau du Parc, «en lisière du parc des Châtaigniers (…) transformé en jeux de massacre ». Les habitants se mobilisent alors pour empêcher sa destruction refusant « d’obéir à l’ordre d’expulsion ». La perte de cette maison où sont enfouis le passé et les souvenirs des locataires,  (« Les maisons pétries d’histoire »),  est une mise en abyme des pertes personnelles, individuelles.  Chaque chapitre décrit un fragment de vie, une souffrance différente, unique, échos des pertes et des  blessures intimes de l’Homme.  Chaque expérience individuelle révèle celle de la vie humaine  en général.
    Dans le lieu clos que constitue le vieil immeuble, symbole de la Vie,  cohabitent Mme Moineau, « élue meilleure pâtissière de la ville », devenue célèbre dans la région grâce à ses succulents choux à la crème, Alice Léchiquier, femme âgée, que sa mémoire  replonge dans la jeunesse, (« Elle se vit comme une jeune femme d’à peine plus de vingt ans. (…) La maladie la ramène en arrière dans une cure de rajeunissement inédite »), Paul Verbure, un homme déprimé au visage grave, Margot, une mère divorcée, qui croit, pendant plusieurs jours que ses deux fils ont été enlevés par leur père, un médecin doté  de recul face aux événements,  capable d’analyser les comportements des uns et des autres, un étrange policier, le nez toujours chaussé de lunettes noires…
    Tous ces êtres brossés à traits précis, dotés d’une personnalité  de plus en plus dense au fil des pages, sont confrontés à la souffrance physique ou psychique, aux différents visages de la perte,  mort ou séparation d’un être aimé, à la maltraitance… Les symptômes du déchirement sont donnés à voir avec précision : « Eléonore s’en approche, les mains moites, la gorge serrée à la limite de l’étouffement. Douleur aigüe, incisive ». Ses ravages sur le corps explicités : « Eléonore, son épouse, le visage hagard, les cheveux épars sur son front, le corps vieilli dans ses vêtements froissés (…) ». Les douleurs et leurs conséquences mentales ou corporelles sont dites, montrées.
    Certains  êtres vont arriver à mettre plus ou moins  à distance leur douleur en prenant différents chemins : l’amnésie, le refoulement, véritable « bombe à retardement »,  la somatisation pour le policier et la jeune infirmière, les larmes, la dépression, les regrets sans fin, inutiles (« Si elle avait su, ils ne seraient pas sortis ce soir là »), le retour dans le passé, la régression : « L’enfance reste un pays toujours prêt à nous recevoir. Y retourner, sans en avoir conscience, n’est-ce pas une façon astucieuse de faire la nique à la mort ? ». D’autres arrivent à sortir des épreuves, à surmonter le choc psychique subi, à tisser un processus de résilience à la faveur, par exemple, de la création artistique comme la peinture ou l’écriture.  D’autres  encore malheureusement  sombrent, cessant de lutter, choisissant le suicide, la fuite, l’alcoolisme, (« Vautré dans son fauteuil, il passait de longs moments à contempler le visage de la disparue, mêlant ses pleurs aux six bouteilles du pack de bière  posées à ses pieds qu’il tétait une à une, jusqu’à la dernière goutte »), la violence comme Emile Leboeuf, instituteur distingué au double visage,  maltraitant son enfant qu’il rend responsable de la mort de son épouse.
    Jacques Koskas, psychomotricien, psychanalyste,  part de son expérience professionnelle pour aboutir à l’écriture. Il donne un visage à des consciences et des coeurs blessés dont il sonde les replis avec talent et poésie (« Les yeux de l’enfant, démesurés dans son visage étroit, ressemblent à ces galets sombres, polis par les vagues, qui perdent leur éclat quand la mer se retire »), émotion et parfois humour (« Inutile d’effaroucher sa vieille amante, la possessive Dame Arthrose, en embuscade derrière ses articulations »). Utilisant avec simplicité les outils de la psychanalyse, il permet à  tout un chacun de comprendre  les différentes réactions de l’être humain confronté à la souffrance,  à l’intolérable et absurde finitude de la vie. 18 Rue du Parc  est l’ouvrage émouvant        d’un spécialiste du cœur humain qui lance implicitement un message de paix lorsque Léila passe « son bras sous celui de Simon » dont les parents sont partis en fumée pendant la Shoah. Pourquoi en effet l’existence de la  haine lorsque l’homme souffre déjà autant ? « Vanité des vanités, tout est vanité » dit l’Ecclésiaste


http://lecritoiredesmuses.hautetfort.com/archive/2014/10/29/18-rue-du-parc.html