jeudi 2 octobre 2014

LE LIVRE, LE LECTEUR ET L’ÉNIGME DU PUITS DES AMANTS DISPARUS



Enfin, te voilà, lecteur ! Je commençais à désespérer dans cette bibliothèque désertée. Bientôt, je le crains, nous serons reconvertis en pièces de musée, et seuls quelques privilégiés auront le droit de nous feuilleter de leurs mains gantées.
Je suis heureux que ton choix se soit porté sur moi. Les amateurs éclairés sont rares en ces temps d’aliénation pixelisée.
Alors suis-moi ! Nous voyagerons de chapitre en chapitre sous la bannière de lettrines aux arabesques audacieuses. Nous sillonnerons les paragraphes aux alinéas cadencés sous le contrôle d'une police vénérable au temps suspendu. Et ce n'est qu'au terme de notre périple que te sera dévoilée : L’énigme du puits des amants.
C'est un titre, j'en conviens, qui manque d'épaisseur. Mais tu aurais tort de te fier à son apparente candeur. Les lecteurs précédents te confirmeront sans peine mes propos.
Je constate à la fébrilité de tes doigts que tu es pressé d'arriver. Du calme ! Prends le temps d'apprécier le déroulement de l'histoire. La chute n'en sera que plus troublante. Je me fais une joie de partager cette aventure avec toi. Et puis, quel bonheur de quitter mon étagère poussiéreuse.
Cher lecteur, allons-y !
Nous voilà sur un chemin. Cette campagne aride, où ne poussent que des pierres, est un paysage hautement symbolique de la pensée de l'auteur. Voici le pont sous lequel Eleanor et Cornélius se sont rencontrés. Le coup de foudre aveugle qui les a percutés est encore visible sur le pilier nord.
A présent nous traversons une forêt, sombre et touffue comme l'a voulue l'auteur, un illustre inconnu qui ne me remerciera jamais assez d'entretenir sa mémoire. Eleanor et Cornélius y ont trouvé refuge. Leur union illégitime menaçait l’ordre moral de ce temps-là. Une prime conséquente était promise à qui les retrouverait.
Nous approchons de… Mais que fais-tu ? Tu reviens à la page précédente ? Quelque chose t'a échappé ? Ce paragraphe ? Il ne fait que ralentir le récit… Quoi ? Tu veux le lire ? C’est incompréhensible, dis-tu ? Je sais, je sais… j’espérais que tu ne t’en rendrais pas compte… Ça ? Ce qui est accroché au chêne ? Au bout de la corde ? Oui, d'accord, c'est un pendu. J’avais prévu de t’en parler plus tard… Tu tiens à ce que je le fasse toute de suite… Je comprends. Tu as le droit de savoir… Alors, je t’explique…
Il y a quelques années un lecteur, du genre terreur des bibliothèques, m’a sauvagement arraché cinquante pages, sans aucune raison, rien que pour le plaisir de faire… « chier » (c’est l’expression qu’il a utilisée) les lecteurs suivants. Tu imagines ma douleur, sans compter le chagrin inconsolable d’être amputé d’une partie de moi-même. Mais j’ai tenu à rester sur mon étagère et à poursuivre ma mission auprès de vrais lecteurs comme toi… Voilà pourquoi certains aspects du récit t’échappent. Mais rassure-toi, je le connais par cœur.
Reprenons. Après de multiples péripéties, dont les détails se trouvent dans les pages absentes, nous approchons du centre de l’intrigue. Voici la maison, cachée au plus profond de la forêt. Eleanor et Cornélius en avaient fait leur nid secret. Et voici le puits, seul témoin du drame.
Nous allons entrer. J'ai la clef mais je toque quand même. Par habitude. Ne va pas croire, lecteur, que je prête la moindre attention à ces rumeurs disant qu'on les aurait revus errer dans les parages ! Que des ragots !
J'ouvre la porte. Tu entends comme elle grince ? Ces toiles d'araignée qui se collent sur ton visage sont tout à fait répugnantes, n'est-ce pas ? Spécialité de l'auteur. L’endroit est plutôt lugubre, je te l'accorde. Regarde comme tes pas s'impriment dans la poussière. La voix que tu entends ? Quelle voix ? (l'auteur, doit se gonfler d'orgueil dans sa tombe). Ce n'est que le vent qui gémit à travers les interstices qu’il a savamment percés autour des fenêtres. Tout est resté en l'état : le puits, le couteau sur la margelle, le sang sur les murs. Que s'est-il passé cette nuit-là ? Mystère ! Mais peu importe, nous ne sommes pas dans un polar, si tu veux bien me passer cette expression triviale.
Tu peux t'approcher. Impressionnant ce puits ! Tout en pierres du pays noircies par le temps, envahies par la mousse. Certes, la poulie est un peu rouillée, mais elle pourrait encore faire son office si on retrouvait la corde et le seau. Avance lecteur ! Je sens avec délice tes mains m'agripper. Je reconnais que l'auteur a particulièrement réussi ce passage. Tu t'en doutes, la réponse est au fond du puits. Prends cette bougie. N'hésite pas à te pencher…
Mais non ! Que dis-tu là ? Tu es tombé tout seul !
Une chance qu'il ne reste plus d'eau. Le puits est asséché depuis cette fameuse nuit. On suppose que le squelette qui s'y trouve est celui d’Eleanor. Normalement le crâne devrait être encore dans le seau. Tu le vois ?
Donc ?… voyons si tu as bien suivi le pendu dans la forêt ?... c'était ?… Cornélius, bien sûr ! Quelle perspicacité ! Tu m’en vois tout ébloui.
Quoi encore ? Oui, je sais, je sais… Il y a d'autres squelettes. Que veux-tu ? Je m'ennuie sur mon étagère. C'est un roman qui n'intéresse pas grand monde. Alors quand quelqu'un s'y égare, je le garde. Ce sont les lecteurs précédents… Le dernier était une femme. Vous auriez fait un joli couple.
Désolé, je ne peux faire aucune exception. Il en va de mon existence même. Je t’ai parlé de ce lecteur fou qui m’a mutilé de tout un chapitre. Il fut le premier à rejoindre Eleanor. La punition était amplement méritée. Le problème s’est posé avec le lecteur suivant. Lui aussi avait remarqué la confusion du récit, due à l’absence de certaines pages. S’il en avait parlé au bibliothécaire, j’étais bon pour le pilon ou la crémation. Tu comprends pourquoi je ne peux laisser sortir personne.
Quand je disais que tu serais surpris par la fin... qui ne doit rien à l'auteur, je le confesse. Allons, il est temps de clore ce chapitre et de tourner la page (le genre de clichés dont l'auteur raffole…)
Je vais regagner ma place sur l’étagère, prendre la pose en équilibre sur la tranche ce qui est loin d'être évident, crois-moi et attendre le prochain lecteur… Avec un peu de chance, tu auras de la visite bientôt…


mercredi 10 septembre 2014

VAR MATIN un peu de narcissisme ça ne peut pas faire de mal

paru dans Var Matin le 9 septembre 2014


mardi 9 septembre 2014

rentrée littéraire sur une étagère





-  Vous pourriez faire attention, vous m’écrasez la tranche !
-   Désolé, je ne vous avais pas vu…
-  Normal, ici c’est le coin à l’ombre.
-  Il y a pourtant de la lumière là-bas.
-  Le gros projecteur c’est pour Valérie T. Les loupiotes, pour les nouveaux romans de la nouvelle  rentrée littéraire.
-   Mais, JE SUIS un nouveau roman de la nouvelle rentrée littéraire !
-   Alors, vous n’avez rien à faire ici. Barrez-vous de mon étagère !
-   Non mais ! En voilà des façons. Si on m’a placé ici, c’est que ma place est ici ! Et d’abord, à qui ai-je l’honneur ?
-   Je suis un roman ancien de la dernière rentrée littéraire.
-   Quoi ? Vous êtes ici depuis un an !
-   Plus exactement, depuis 3 mois. J’ai fait ma rentrée en juin, dans le cadre de l’opération « lire sur la plage ». La vague de septembre m’a balayé et depuis je moisis ici…
-   Mais, je ne comprends pas… je fais partie de la vague de septembre…
-   Septembre, dites-vous ? Et quel mois est-on ?
-   Mais nous sommes en septembre !!!
-   Mmm… Et quel jour de septembre ?
-   Euh, le 10 ou le 11…
-   Alors, vous deviez avoir un bon potentiel. Mon voisin du dessus est là depuis le 2 septembre. Il n’a tenu qu’une journée. Vous ne devriez pas vous plaindre.
-   Que me dites-vous là ! Je vis un cauchemar. Moi qui me voyais déjà à la une, vêtu de ma jaquette Goncourt…
-   Nous avons dû faire le même rêve… Maintenant, si vous voulez bien vous écarter un peu, vous m’écrasez la tranche, vous dis-je !…

mardi 2 septembre 2014

18 RUE DU PARC - (EXTRAIT)

18 RUE DU PARC (chapitre 1 extrait)

Le Hameau du Parc
Vendredi 14 heures


Cortège de poids lourds.
Fracas de tôles.
Un camion rempli de gravats déboule rue du Parc. Un autre, lancé à toute allure, ébranle les pavés disjoints.

Ici, la poussière tient lieu d’oxygène. Chargés de l'abattre au sol, les brumisateurs de chantier sont aussi efficients qu’une bruine d’automne sur une forêt en flammes.

Une salve d’éternuements secoue l’homme immobilisé au bord de la chaussée. Ses bronches, encrassées, se crispent. À peine le temps d’aspirer une goulée de Ventoline, qu’un monstre de métal jaune, trimbalant une pelle gigantesque en équilibre précaire, manque le renverser. L’homme bondit. Son pied bute contre le trottoir. Ses mains râpent le bitume gravillonné.

Chauffard ! grogne-t-il, en se relevant.
Un champ de bataille s'ouvre autour de lui.

En quelques mois, le quartier, en lisière du parc des Châtaigniers, s’est transformé en terrain de jeux de massacre. Rivés aux commandes de machines géantes ‒ tractopelles, pinces à béton, brise-roches, grappins de démolition ‒ des homoncules, coiffés de casques fluorescents, fracassent, d’une simple pression des doigts, les maisons pétries d’histoire que l’on ne remarquait plus tant elles faisaient partie du paysage. 

Dès que l’une s’écroule, les camions, charognards aux ventres de métal, avalent les décombres fumants dans leurs bennes brinquebalantes et les charrient à grand vacarme de grondements de moteurs et de crissements de pneus vers des cimetières de pierres agonisantes.

Les paumes des mains éraflées, l’homme remonte ses lunettes, époussète son costume gris de belle facture, ramasse son attaché-case et son aérosol.
N’en déplaise au Dr Noiraud ‒ « le Salbutamol est un produit dopant, n’en abusez pas ! » ‒ une inhalation supplémentaire s'impose dans cet environnement pollué à l'extrême. 

D’ordinaire, Simon Léchiquier attend le dimanche pour s’aventurer de ce côté du Parc, seul jour où les engins de démolition somnolent sous la garde de vigiles et de leurs chiens.
Pouvait-il ignorer la voix suppliante de sa mère ?
...
18 rue du Parc est publié par Il est des Jours... artisan-éditeur
http://ilestdesjours.free.fr
 

jeudi 21 août 2014

VIENT DE PARAITRE : 18 RUE DU PARC (roman)

Mon nouveau roman 18 rue du Parc, vient de paraître.
Il s'agit d'un roman choral sur le thème de la perte.
La douleur de la perte fait partie des plus graves souffrances psychiques. Faute d'élaboration suffisante, elle peut se convertir en souffrances corporelles.
Les personnages de ce livre sont confrontés à différents visages de la perte (manque, absence, disparition, abandon, amnésie, deuil...)
Chacun, selon ses moyens et son histoire, va se confronter à ce moment où tout menace de s’écrouler, à l’image de la maison qui ouvre et ferme ce roman.
Edité par il est des jours, artisan-éditeur.

HOMONYMIE INATTENDUE

Un livre est paru portant le titre "les révolutions de Jacques Koskas".
Merci de noter qu'il s'agit d'une homonymie inattendue.
Je ne suis pas le personnage de ce livre.
Par curiosité j'ai cherché sur les pages blanches le nombre de Jacques Koskas vivant en France. Sauf erreur (et sans tenir compte de la liste rouge), je serais le seul.

mercredi 23 juillet 2014

18 rue du Parc (roman)

Bientôt, mon prochain roman 18 rue du Parc paraîtra aux
Editions Il est des jours...


Les habitants du 18 rue du Parc empêcheront-ils la destruction de leur maison, la dernière du quartier ?

Parmi eux, un policier aux lunettes noires, une pâtissière dans son salon de thé, une vieille dame égarée, un peintre envouté par une toile, une infirmière « médicamante », un bibliothécaire épris de femmes ailées, un homme posté devant un hôtel, un autre en liberté conditionnelle, une mère cherchant ses enfants, un enfant s’exprimant par synonymes, un faux-muet, un médecin, un inconnu. Différents destins confrontés à la perte et ses conséquences.

samedi 23 juillet 2011

les mères qui meurent sont-elles des mères comme les autres ? (roman)


Ce roman est lauréat du prix de littérature de Flayosc

Les mères qui meurent sont-elles des mères comme les autres ?
On a beau jeu de rappeler que tout est éphémère.
Mais on oublie les dieux, les acteurs de cinéma
et les mères…
La question essentielle, sur laquelle butent penseurs et philosophes depuis que le monde est monde, subsiste, intemporelle et absolue,
extravagante et dérangeante :
au contraire de l’éphémère, l’effet-mère est-il éternel ?


Joseph Paradis vit ordinairement sa vie par procuration à travers le cinéma.
À la mort de sa mère, il ressent d’abord de l’irritation (il déteste que les choses changent) avant d’éprouver une douleur aussi surprenante qu’inconsolable.
Avec la complicité de ses amis – Clara, apprentie thanatopractrice, Dédé, livreur de surgelés, et Flore, qui accepte, pour l’occasion, de suspendre ses tentatives quotidiennes et désespérément vouées à l’échec de se noyer dans sa cabine de douche – il décide de conserver le corps de sa mère dans son appartement à l’intérieur d’un congélateur, comme cela pourrait se produire dans un film.

C’est l’avantage du cinéma sur la vraie vie : les morts restent vivants…

Editions du Lau

samedi 9 janvier 2010

le coq de Chlomo (contes)


Chlomo Benkolhaï est gardien de cimetière, de par la grâce de Dieu.
En hébreu, cimetière se dit Beit-Ahaïm (maison des vivants). Chlomo est donc installé entre deux mondes, passant de l’un à l’autre en toute simplicité, mais confronté aux problèmes propres à chacun.
Ainsi on le suivra dans différentes péripéties le confrontant à des personnages comme Rabi Marorzé, Mosché Kacherout ou Madame Tfinah…
Respectueux des lois, on le verra appliquer à la lettre le sort réservé au coq dans les prières du matin, tout en appréciant la conscience professionnelle dont il fait preuve dans la préparation de la dernière demeure (?) de ses concitoyens.
On l’accompagnera dans son travail quotidien qui lui permettra d’offrir une sépulture aux enfants des camps de la mort, mais aussi à un livre mystérieux écrit dans le désert.
Comme il se doit la mère de Chlomo fera une apparition. Quant à son père... un homme inconnu arriva un jour au cimetière.

Editions du Lau

vendredi 8 janvier 2010

dieu aime-t-il les petits cochons ? (roman)

A Tunis, dans les années 50, dans une petite rue, vit Simon. Il cherche la preuve que Dieu aime les petits cochons, alors que sa mère s’apprête à accoucher. Près de lui, un vieil homme, Baba-Gagou, cherche à comprendre comment Dieu a pu oublier le Commandement le plus important sur les Tables de la Loi.
Tout autour, la vie se déroule entre religion et superstition, rêve et réalité, peur et déni, parmi les esprits maléfiques et les amulettes porte-bonheur.
Qu’est-ce qui rapproche l’enfant et le vieil homme au point que leurs imaginaires finiront par s’entremêler au cours de leurs quêtes ?
Quel lien peut-il y avoir entre le Commandement oublié et les petits cochons ?
Quelle place tiennent les enfants dans le monde des adultes, et dans celui de Dieu ?
Dieu aime-t-il les petits cochons ?
Editions du Lau